Colorado

notre voyage en train à bord du California Zephyr

Départ en gare de Denver, Colorado
L'histoire que vous allez lire se passe en 2008, aux États-Unis. Dit comme ça, c'est tout de suite plus prestigieux, non ? Bref. Je vais commencer par vous présenter mes deux co-train-trippers : Chrystel et Sébastien. Chrystel est mariée au gugusse qui rédige ce récit. Depuis assez longtemps pour avoir 3 filles à notre actif !
La question numéro 1

La première question que se pose tout débutant en matière de train, et en particulier dans notre cas, est de savoir s'il faut prendre le train Chicago - San Francisco ou le San Francisco - Chicago.

L'un a l'avantage, compte tenu du décalage horaire, de rendre le trajet à bord du California Zephyr moins fatiguant. L'autre a l'avantage de circuler à de meilleurs horaires "scéniques" comme disent nos amis américains.

Il n'était pas question de faire l'aller-retour, c'était trop cher et un peu idiot. Alors, qu'est ce qu'on a choisi ? Ni l'un ni l'autre bien sûr ! On est partis de Denver, Colorado, et à destination de San Francisco, Californie. En fait, c'est clairement la plus belle partie du trajet, car il faut bien admettre que la traversée monotone des grandes plaines américaines sont assez [mettre ici un mot signifiant chiant].

Voici donc le train que nous avons emprunté :

ITINERARY
============================================
Denver, CO (DEN) to Emeryville, CA (EMY)
30-APR-08; 8:05 am - 01-MAY-08; 6:10 pm
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Service: 5 California Zephyr Duration: 35h 5m
<Departs>
Denver, CO (DEN)
30-APR-08; 8:05 am
<Arrives>
Emeryville, CA (EMY)
01-MAY-08; 6:10 pm
<Seat(s)/Room(s)>
1 Bedroom
Room B - Car 532
Reservation Number: 080498

J'en vois déjà qui commencent à dire "hey mais il se fout de nous, où est San Francisco ?". Excellente question ! En fait, San Francisco, énorme ville de Californie (la zone urbaine dépasse les 4 200 000 habitants), n'a pas de gare. Eh non ! La gare est de l'autre côté du pont, à Emeryville, en pleine banlieue. C'est ça l'Amérique ! Pour aller de la gare au centre-ville, il faut prendre un bus (dont le prix n'est pas systématiquement inclus dans le billet de train, contrairement à ce que j'ai pu lire ici ou là). Pas même un métro pour rallier le centre-ville, alors que pour l'aéroport, c'est carrément un train très rapide et bien entretenu qui fait la liaison (une des lignes du BART si on veut être précis) : le train n'est pas un moyen de transport auquel on pense facilement quand on est aux USA.


Et maintenant, dans le prochain paragraphe, je vais mettre en exergue plusieurs paramètres qui m'ont mis dans une situation dangereuse.

Mon niveau d'anglais est plutôt suffisant pour toutes les situations normales. Les américains que j'ai rencontré n'avaient pas "peur" ou n'étaient pas inquiets à mon égard. Il faut dire que je suis assez "banal" dans le paysage visuel américain : blanc, taille et corpulence standard (aux normes américaines on va dire), pas de vêtements ou d'allure particulièrement étranges.

Pourquoi ce préambule ? Parce que j'ai risqué la mort sur le quai de la gare !

Allez, je vous raconte !

livret Amtrak du California Zephyr
Les rocheuses forment un véritable mur.
- l'Explicateur
cours après le train en gare de Denver, Colorado
Je connais bien la France ! J'y étais en 1947 ! Il y a des carcasses de blindés au bord des routes, et les trains sont toujours en grève !
- le Vétéran
façade Union Station (photo Seb)
Chrystel et Olivier approchent de la gare Union Station de Denver (photo Seb)
Hands up! On the ground! Now!
- le danger public
Chronique d'une mort annoncée

Seb est un ami très proche qui m'a déjà accompagné à bord du Transsibérien. Maintenant que les présentations sont faites, je vais vous raconter comment j'ai failli me faire tuer sur le quai de la gare avant même d'embarquer dans le California Zephyr. Mais n'allons pas trop vite, d'abord, je dois vous présenter le contexte !

Imaginez la scène. Nous arrivons à la gare de Denver, Colorado. C'est un bâtiment très typique de l'architecture néoclassique américaine. Nous sommes en avance, c'est un jour important : le California Zéphyr a quasiment motivé notre voyage aux USA !


On avise le quai sur lequel on va prendre le train. En anglais ça se dit "platform". Pendant que Chrystel va faire un petit pipi, Seb et moi on se positionne sur le quai. On est là, appareil photo à la main, sac au dos en train de discuter et de faire quelques clichés quand tout à coup surgit la Bête.


Enfin, la Bête je devrais écrire "le" bête, car c'est un homme qui se dirige vers nous. Arrivé à une trentaine de mètres, il nous interpelle d'une voix forte : "hey, you there !"


On se tourne vers lui. Que veut cet agent de sécurité (on dirait, à son uniforme que c'est bien sa fonction) ? A sa dégaine et à sa main crispée sur son pistolet, on se doute qu'il ne vient pas faire la causette. On a en face de nous un véritable cow-boy inquiet dont, à la première estimation, le QI est limité à deux chiffres pairs.


Il nous ordonne de poser nos sacs à terre, et nous crie de lever les mains, et de s'allonger par terre sur le quai. Ah merde, on a volé un truc ? Je me souviens pas.


Seb, qui est en retrait, n'est pas le premier visé. J'essaye de parlementer avec le forcené : "OK, calm down, please calm down".


Visiblement, ce mec nous a pris pour des terroristes. Ce qui est parfaitement logique, non ? J'aurais plutôt dit des touristes, mais bon, il a peut être vu un film hier sur les attentats du WTC ou je ne sais quoi. Toujours est-il que le gars nous intime l'ordre de rentrer dans la gare, en abandonnant nos sacs sur le quai.


Quand je pense qu'en Europe, on nous interdit d'abandonner un bagage, je suis assez amusé de la chose (si j'étais un terroriste, la seule chose que j'aurais espéré est justement qu'il me fasse laisser ma bombe sur le quai, mais passons). Le gars n'est clairement pas d'humeur à discuter. Il nous raccompagne manu militari à l'intérieur de la gare... Puis il devient tout souriant, et il s'en va. Une minute avant il était tendu, prêt à m'abattre sans sommation, et puis là plus rien.


Il nous plante comme ça, au milieu de la gare, sans un mot d'explication. J'avise un autre officiel, qui vu les décorations qu'il a sur sa veste doit être un chef, et je lui demande ce qui se passe. Il hausse les épaules et s'en va en disant "it's all right".


Doutant soudainement de ma capacité à communiquer en anglais avec les étranges personnages de la gare, je m'approche de personnes qui attendent devant un panneau d'affichage. Ils me comprennent parfaitement, tout comme je comprends sans problème leur réponse. Le fait était donc tout simple : on ne doit pas attendre le train sur le quai mais à l'intérieur de la gare, et aller sur le quai une fois que le train est arrivé seulement.


Conclusion : méconnaissance des usages du train aux USA (qui savait ça avant de le lire, franchement ??) + incapacité crasse à communiquer de deux interlocuteurs dépositaires de l'autorité = situation dangereuse.


Donc, quand vous prendrez le train à Denver (je ne sais pas si ça s'applique aux autres gares d'ailleurs), attendez bien que le train arrive en gare pour vous présenter sur le quai, sinon on vous prendra pour un dangereux terroriste et on vous menacera d'un flingue chargé, tenu fébrilement par un pauvre gars terrorisé à l'idée que vous soyez un membre secret du KGB ou d'Al-Kaïda.


Mais une fois que vous serez face à votre train, prêt à monter, préparez bien votre billet et allez à la bonne porte, sans ça vous ne monterez pas à bord. Au pays de la liberté, c'est comme en Chine et en Russie : il faut faire les choses selon la règle et pas autrement. Et encore, en Chine et en Russie, il y a plein d'exceptions...


Cet épisode amusant (à posteriori, parce que sur le moment on est quand même un brin interloqué de visualiser cette grande dame en robe noire à capuche avec une faux) étant passé, le reste du voyage est tout simplement génial.

Attendez que je vous parle du repas inclus, vous allez rêver ! (ou pas)

Nous prenons donc place à bord du train, découvrons notre compartiment, et le trajet commence enfin.

compartiment du California Zephyr
tableau d'horaires du California Zephyr
California Zephyr: track 1, platform A.
- le panneau d'affichage
gare de Denver : le couloir d'accès aux quais
Chrystel a son billet pour le california Zephyr, en gare de Denver
Please mind the gap between the train and the platform.
- la voix off
le cow boy d'Union Station
Ce qui ne te tue pas te rend plus fort.
- la mièvre légende urbaine
Comptoir dans la gare de Denver (photo Seb)
premier paysage depuis le California Zephyr
Denver - Glenwood Springs : premiers cols

Le visuel est particulièrement saisissant pour quiconque prend le temps de voyager en train ou en voiture dans le sens Est - Ouest.

Denver marque la fin d'une immense plaine qui s'étend à perte de vue vers l'Est. Et puis, à peine à quelques kilomètres de là se dresse un mur. Je ne plaisante pas, il n'y a pas de petites collines ou de progression de la plaine à la montagne : on passe vraiment d'une plaine odieusement plate à une barrière rocheuse de plusieurs milliers de mètres d'altitude.

C'est vraiment saisissant et très beau. Je n'ai pas vu ça ailleurs pour l'instant.

Le train commence la montée par des grandes boucles en S. Les deux locomotives ne sont pas de trop pour cette montée et le convoi se fait poussif. On avance à une allure d'escargot, on croise un convoi de plusieurs dizaines de wagons de marchandises et de citernes un peu rouillées. Pour le coup, ça me rappellerait presque la Sibérie !

Il faut dire que le paysage est à couper le souffle : une colline à la végétation rase, et d'un côté une plaine immense et de l'autre les Rocheuses, vertigineuses.

Le train du mythique California Zephyr est composé de plusieurs voitures-couchettes, une voiture panoramique : toit semi-vitré (vitres sales bien sûr, n'espérez pas faire de belles photos) et sièges agréables dont certains sont pivotants, une voiture-restaurant (nous sommes impatients d'en profiter), et à l'arrière deux voitures simples à sièges standard, soi-disant inclinables.

Notre compartiment est plutôt confortable : deux couchettes superposées, et assez de place pour caser nos valises.

La mauvaise surprise arrive alors que nous passons le Moffat Tunnel.

Convoi de citernes et première montée vers les rocheuses
une porte intérieure du California Zephyr
Moffat Tunnel
Des repas de remplacement vous seront servis.
- le chef de bord
rivière en bord de voie dans les rocheuses
paysage vu du california zephyr (photo Seb)
L'influence Française aux USA

La France est connue aux USA pour sa culture culinaire et, vous l'avez lu plus haut, pour ses grèves incessantes.

Ce n'est hélas pas pour l'alimentation que notre influence s'est faite sentir au cours de notre périple dans les affres d'un voyage ferroviaire trans-rocheuses, mais bien et bien pour les conséquences d'un mouvement social. Nous étions partis de Denver depuis à peine quelques minutes, qu'une voix nasillarde crachotait du fond d'un haut-parleur mal réglé et antédiluvien une information quasiment inaudible. Tendant l'oreille et en s'y mettant à tous les trois, nous avons fini par comprendre ce qui se passait : l'équipe en charge du wagon restaurant était en grève, il n'y aurait donc pas de repas dans ledit wagon, il faudrait donc se contenter d'un "repas de remplacement".

Ce dernier s'est avéré être un pur produit de la grande gastronomie américaine : des nuggets de poulet ou (au choix) un maigrichon petit sandwich estampillés KFC, accompagnés de frites (le tout bien refroidi), un sachet de chips, arrosé d'une bouteille d'eau et d'un coca cola tiède. Le rêve !

Chiffres du California Zephyr

Mais qu'à cela ne tienne, c'était l'occasion de profiter de paysages splendides, et de regarder quelques chiffres de notre train.

Vous aimez les chiffres ? En voici quelques-uns au sujet du California Zéphyr, ce train de légende qui traverse les Etats Unis :


Le trajet du California Zephyr (que je vais abréger en CZ) dure en trois jours et deux nuits, et traverse l'Illinois, l'Iowa, le Nebraska, le Colorado, l'Utah et le Nevada pour finir par la Californie, soit donc pas moins de 7 Etats !

Longueur du trajet : 3 924 km
Durée du trajet : 3 jours, 2 nuits (en fait, environ 50h)
Etats traversés : 7 (Illinois, Iowa, Nebraska, Colorado, Utah et le Nevada pour finir par la Californie)
Vitesse moyenne : environ 80km/h (calculée sur la base de la longueur et de la durée)
Fréquence : départs quotidiens dans les deux sens
Prix des billets : globalement, relativement cher si vous voulez une couchette. Il existe une formule en voiture "normale" : de simples sièges qui sont un peu inclinables. Pour un long trajet, je ne recommande pas du tout cette solution. Si vous préférez mal dormir, prenez un car Greyhound !

Lire la suite : Glendwood springs, Colorado
un admirable repas américain